Reco-reco : secrets, histoire et usages d’un instrument clé des musiques brésiliennes #
Origine et évolution du reco-reco à travers les époques #
L’apparition du reco-reco remonte à l’époque coloniale, période où les cultures africaines et européennes ont fusionné avec celles des peuples autochtones pour forger la richesse sonore du Brésil. Son nom varie selon les régions – caracaxá, querequexé – traduisant la diversité d’usages et les nuances dialectales de ses utilisateurs. Dès le XIXe siècle, le reco-reco s’impose dans les fêtes populaires et les cortèges religieux, notamment via la casaca jouée dans les bandes de Congo de l’État d’Espírito Santo.
De la main des esclaves africains et de leurs descendants, l’instrument s’imprègne d’une intensité rituelle et d’une expressivité unique. La transmission orale perdure tout au long des décennies, chacun enseignant à la génération suivante les techniques de fabrication et d’exécution. Si le bambou prédomine dans les premières versions, le XXe siècle voit l’émergence du reco-reco métallique, caractéristique des écoles de samba de Rio de Janeiro. Ce passage du bois au métal marque une évolution majeure : augmentation du volume sonore, adaptation aux grandes formations, et intégration dans des orchestres toujours plus cosmopolites.
- Casaca d’Espírito Santo : version ancienne en bois rainuré utilisée dans les défilés de Congo.
- Spring reco-reco de Rio : adopte les ressorts métalliques pour amplifier la projection sonore lors des carnavals.
- Bajo de Cavalo Marinho au Pernambouc : variante locale au timbre grave, témoignage de la diversité régionale.
Fabrication artisanale et matériaux emblématiques #
La confection d’un reco-reco fait appel à une grande créativité, chaque choix de matériau conditionnant sa sonorité. Historiquement, les artisans privilégient le bambou, dont le tube est rainuré à la main, générant une texture sonore chaude et subtile. La gourde séchée est parfois utilisée, offrant une alternative légère et facilement façonnable. Les ateliers familiaux transmettent des méthodes qui varient selon les ressources locales et les influences culturelles, d’où une importante disparité morphologique dans les collections anciennes.
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Avec l’essor industriel et la demande croissante, de nouveaux matériaux s’imposent. Le métal (souvent l’aluminium ou l’acier) devient la référence dans les écoles de samba, pour sa robustesse et la puissance de ses harmoniques. Certaines fabriques explorent aujourd’hui des matières innovantes, comme le plexiglas ou les composites synthétiques, afin de proposer des instruments résistants à l’humidité des scènes extérieures tout en conservant une esthétique artisanale.
- En 2022, l’atelier Percussão Brasil a commercialisé un reco-reco en plexiglas avec rainures interchangeables, conçu pour les musiciens de tournée.
- À Salvador, la maison Oficina do Samba réalise sur commande des modèles hybrides mêlant bois exotique et ressorts métalliques pour un timbre personnalisé.
- À Rio, les fabricants Contemporânea et Rozini proposent des reco-recos spiralés en aluminium, adaptés aux exigences acoustiques des batucadas modernes.
Techniques de jeu et astuces rythmiques du reco-reco #
Maîtriser le reco-reco requiert une agilité particulière, car l’instrument ne se contente pas d’un simple effet de racle. La baguette – souvent en métal, parfois en bois – est tenue fermement, ses mouvements précis déterminent la clarté du motif. On alterne passages rapides, ponctuations sèches et effets glissés pour donner vie à des rythmes syncopés. Les nuances s’obtiennent par la pression appliquée et la vitesse de friction sur les dents ou ressorts, rendant chaque performance unique.
Dans la batucada et la roda de capoeira, l’instrument joue un rôle subtil mais indispensable, créant des boucles hypnotiques qui servent de repère aux autres musiciens. Les joueurs chevronnés introduisent des ornements en jouant sur la résonance de la caisse ou en exploitant différentes parties de la baguette pour varier les timbres. Le reco-reco, loin de n’être qu’un accompagnement, structure la pulsation et accentue les ruptures de dynamique, dialoguant sans cesse avec surdos, pandeiros et agogôs.
- Pour obtenir un effet « grenouille », très prisé dans la samba de raiz, il s’agit de frotter rapidement un ressort puis d’étouffer le son avec la paume.
- La technique du « balancement » implique de moduler la pression du doigt libre sur le coffre de l’instrument, modifiant ainsi le timbre à la volée.
- Certains maîtres de capoeira, à l’image de Mestre Bimba en 1959, accentuaient les temps faibles de la roda par des triples croches rapides pour dynamiser l’énergie collective.
Le reco-reco dans la capoeira et les musiques brésiliennes #
Le reco-reco occupe une place centrale dans l’orchestre de capoeira, où il dialogue avec le berimbau, l’atabaque et le pandeiro. Son rôle, souvent sous-estimé par les néophytes, consiste à soutenir la pulsation du jeu de jambes et à relancer les formules chantées. Le timbre sec et répétitif du reco-reco fait office de guide pour les capoeiristes, tout en accentuant la dimension hypnotique de la roda. Les maîtres traditionnels insistent sur la nécessité de maintenir une cohésion parfaite avec les autres percussions pour éviter les ruptures dans l’énergie du cercle.
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Au-delà de la capoeira, le reco-reco s’est imposé dans le pagode et la samba, en particulier depuis l’essor des écoles de samba du Rio des années 1950. Son timbre, à la fois percussif et aéré, permet de relier les sections rythmiques, créant un liant sonore entre les instruments graves et les voix aiguës. Les arrangeurs brésiliens de renom intègrent systématiquement le reco-reco pour colorer les ponts harmoniques ou marquer les transitions lors des défilés carnavalesques.
- En 2019, l’ensemble Grupo Semente a mis à l’honneur le reco-reco dans une version live du classique « Partido Alto », jouant des contre-temps subtils pour dialoguer avec la guitare sept cordes.
- À Recife, les maracatus ruraux exploitent le reco-reco pour rythmer les processions de la Semana Santa, en cheville avec les tambores et caixinhas.
Variation des sons : du bois au métal, un instrument caméléon #
Les contrastes acoustiques entre un reco-reco en bois et ses équivalents métalliques sont remarquables. Le bois rainuré offre un son chaleureux, mat et sec, idéal pour les formations intimistes et les contextes où la fusion avec d’autres percussions organiques prime. Les versions métalliques, souvent équipées de ressorts tendus sur un demi-cylindre, produisent une timbre brillant, incisif et saturé d’harmoniques aigües, parfaitement adapté aux fanfares de rue et aux grandes rodas où la puissance est requise.
Ce choix de matériau, loin d’être anecdotique, signe souvent l’appartenance à un genre ou à une école musicale. Certains groupes de choro ou de forró revendiquent le retour aux modèles en bambou, tandis que d’autres, à l’image de l’Unidos da Tijuca, recherchent les innovations les plus audacieuses pour renouveler le spectre sonore du carnaval. En 2017, la marque Gope a lancé une série limitée de reco-recos en acier inoxydable, destinés aux musiciens de jazz fusion en quête de textures originales.
- Reco-reco en bois (ex : modèles de Paraty) : apprécié pour accompagner les voix dans les rodas de samba de mesa, là où la finesse et la discrétion priment.
- Reco-reco en métal (ex : écoles de samba de Rio) : utilisé pour son impact sonore, sa longévité et sa capacité à résister aux climats humides lors des défilés extérieurs.
- Variantes innovantes (ex : reco-reco en plexiglas de 2021 proposé par SambaTech) : recherchées pour leur légèreté et la variété de couleurs offertes aux musiciens modernes.
Matériau | Caractéristiques sonores | Usages privilégiés |
---|---|---|
Bois ou bambou | Son mat, timbre chaud, attaque douce | Capoeira, samba de mesa, forró |
Métal (aluminium, acier) | Son métallique, riche en harmoniques, volume élevé | Samba de rua, batucada, carnavals |
Plexiglas, composites | Son intermédiaire, variations de timbre selon les modèles | Jazz fusion, world music, orchestres ouverts |
Influence et rayonnement international du reco-reco #
Loin de se cantonner à la sphère brésilienne, le reco-reco s’est aventuré sur les scènes du monde entier. À partir des années 1980, il infiltre les fusions jazz, en particulier via des collaborations entre percussionnistes brésiliens et artistes internationaux. Les musiciens de world music s’approprient ses textures pour enrichir leurs productions, à l’exemple du projet AfroCubism en 2010, où le reco-reco côtoie balafons et congas dans une palette rythmique inédite.
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L’adaptabilité du reco-reco séduit également les compositeurs contemporains, qui intègrent l’instrument dans les bandes originales de films et les spectacles vivant. Il symbolise, à nos yeux, une transmission vivante et créative, capable de dialoguer avec la modernité sans jamais renier ses racines brésiliennes. Grâce à l’enseignement de figures telles que Naná Vasconcelos ou Airto Moreira, l’instrument a conquis de nouvelles générations de percussionnistes, contribuant à renouveler le langage percussif mondial.
- En 2021, la Philharmonie de Paris a intégré le reco-reco dans une création mondiale mêlant musique contemporaine et rythmes afro-brésiliens, sous la direction de Marlon Simões.
- L’artiste new-yorkaise Cyro Baptista a popularisé l’instrument lors de ses tournées avec Herbie Hancock, l’utilisant aussi bien dans le jazz expérimental que la musique électronique.
- Depuis 2015, plusieurs écoles de musique en Allemagne et au Japon enseignent le reco-reco dans leur cursus, preuve de son rayonnement croissant hors du Brésil.
Plan de l'article
- Reco-reco : secrets, histoire et usages d’un instrument clé des musiques brésiliennes
- Origine et évolution du reco-reco à travers les époques
- Fabrication artisanale et matériaux emblématiques
- Techniques de jeu et astuces rythmiques du reco-reco
- Le reco-reco dans la capoeira et les musiques brésiliennes
- Variation des sons : du bois au métal, un instrument caméléon
- Influence et rayonnement international du reco-reco