Reco-reco : secrets, histoire et usages d’un instrument clé des musiques brésiliennes

Reco-reco : secrets, histoire et usages d’un instrument clé des musiques brésiliennes #

Origine et évolution du reco-reco à travers les époques #

Le reco-reco, désigné aussi sous les noms de caracaxá ou querequexé, appartient à la famille des idiophones grattés ou raclés. Son apparition sur le sol brésilien relève d’une histoire pluriculturelle complexe : il s’ancre dans le métissage des traditions africaines, coloniales européennes, et autochtones. Son principe – produire des sons en raclant un support rainuré à l’aide d’une baguette – existait déjà chez différents peuples d’Afrique et d’Amérique latine, comme le démontrent des instruments similaires tels que le güiro ou la guacharaca présents à Cuba et en Colombie.

L’intégration du reco-reco dans la culture brésilienne s’effectue par la transmission orale au sein des communautés rurales et urbaines, où il sert à marquer le rythme lors de fêtes religieuses, carnavals, et rituels afro-brésiliens. Dès le XIXe siècle, on recense des variantes locales : la casaca (Espírito Santo), dotée de caractéristiques propres, ou le reco-reco à ressorts des écoles de samba à Rio de Janeiro, témoignant d’une adaptation continue à la vitalité des genres musicaux populaires.

  • En 1888, les bandes du Congo d’Espírito Santo utilisaient la casaca lors de processions festives.
  • Au XXe siècle, les écoles de samba carioca intègrent le reco-reco métallique pour amplifier la puissance sonore dans les défilés.
  • Des familles de Pernambuco manient le reco-reco dans le cavalo marinho, spectacle théâtral populaire.

Le passage du bois au métal, amorcé dès les années 1930-1940 dans les ensembles urbains, signe une transformation majeure, autant esthétique qu’acoustique, traduisant la capacité de l’instrument à s’adapter aux réalités sociales et musicales du Brésil moderne.

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Fabrication artisanale et matériaux emblématiques #

La fabrication du reco-reco repose sur des savoir-faire transmis de génération en génération, où chaque maître-artisan développe une signature distinctive. À l’origine, le matériau de prédilection est le bambou, creusé et façonné pour obtenir une surface striée sur laquelle la baguette glisse. Au fil du temps, d’autres matériaux viennent enrichir la palette sonore : bois de cèdre, gourde séchée taillée, mais aussi innovations techniques comme le métal (aluminium, acier) et le plexiglas, offrant de nouvelles couleurs au spectre musical.

  • Le reco-reco en bambou est le plus répandu dans les zones rurales, apprécié pour ses sonorités chaudes et naturelles.
  • Le corps en métal, souvent demi-cylindrique, est surmonté de plusieurs ressorts tendus, grattés avec une baguette métallique pour un effet sonore puissant et brillant.
  • À Recife, certains luthiers ornent les reco-reco de motifs géométriques ou de symboles afro-brésiliens gravés dans le bois.

Le choix des matériaux, la largeur des rainures, la densité du bois, la tension des ressorts ou leur nombre déterminent l’acoustique finale. Selon notre expérience, il n’existe pas deux reco-reco identiques : chaque pièce renferme la singularité de la main de l’artisan et la mémoire d’un terroir.

Techniques de jeu et astuces rythmiques du reco-reco #

L’art du reco-reco réside dans la maîtrise du geste et la capacité à varier nuance et intensité. L’instrumentiste tient le corps de l’instrument d’une main, saisit la baguette de l’autre, puis frotte, gratte ou percute les rainures ou ressorts selon le style recherché. Ces gestes, en apparence simples, demandent une précision rythmique redoutable afin de générer des motifs syncopés ou continus.

  • La friction contrôlée de la baguette permet d’obtenir une palette de nuances, du chuchotement subtil au cri percussif.
  • Les motifs rythmiques traditionnels – tels que le toque de Angola en capoeira – exploitent l’alternance de coups longs et courts.
  • Certains musiciens expérimentés jouent sur l’inclinaison de la baguette ou l’ajout d’effets de claquement pour enrichir la texture sonore.

La création de climats hypnotiques dans une roda de capoeira, ou l’enchaînement effréné des passages dans une batucada, illustrent la polyvalence rythmique du reco-reco. Nous estimons que sa capacité à dialoguer avec d’autres percussions – surdo, pandeiro, tamborim – en fait un outil précieux pour instaurer la transe collective et dynamiser les assemblées.

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Le reco-reco dans la capoeira et les musiques brésiliennes #

Dans l’univers de la capoeira, le reco-reco tient une fonction essentielle de liant rythmique entre le berimbau – maître de la roda – et le pandeiro, accompagnant les chants, les frappes de main et les mouvements martiaux. Son grain si particulier permet de marquer les pauses, relancer les phrases musicales ou accentuer la tension dramatique lors d’un jeu acrobatique.

  • Lors d’une roda de capoeira à Salvador en 2018, des maîtres capoeiristes utilisaient le reco-reco pour ponctuer la progression du combat, renforçant le dialogue musical avec les autres instruments.
  • Dans le pagode carioca, le reco-reco introduit des effets de relance en synchronisation avec le cavaquinho et la voix soliste.
  • Au sein des ensembles de samba de roda, il agit comme une passerelle entre les parties chantées et instrumentales.

On perçoit, à travers ces usages variés, l’adaptabilité du reco-reco pour souligner ou soutenir les changements de dynamique, créer des ruptures ou relier les différents plans sonores, consolidant ainsi son statut d’instrument fédérateur dans l’identité musicale brésilienne.

Variation des sons : du bois au métal, un instrument caméléon #

Le reco-reco déploie une large gamme d’effets acoustiques selon sa composition matérielle. Les versions traditionnelles, en bois ou bambou, génèrent des sons plus chauds, mats et secs, propices à la discrétion rythmique ou à l’intimité d’une roda. À l’opposé, les modèles métalliques, équipés de ressorts, produisent des sons brillants, éclatants, riches en harmoniques aiguës, idéaux pour traverser le tumulte sonore des grandes formations de samba ou de batucada.

  • Le reco-reco en bois de cèdre, utilisé à Bahia, reste privilégié lors des cérémonies religieuses ou pour accompagner la samba de raiz.
  • Les écoles de samba de Rio de Janeiro, depuis 1940, favorisent le reco-reco métallique pour la puissance et la clarté de son timbre sur les grandes avenues du carnaval.
  • Des innovations récentes voient l’apparition de reco-reco en plexiglas ou matériaux composites, ouvrant de nouveaux territoires expérimentaux pour les musiciens contemporains.

Nous observons que ces variations ne relèvent jamais du hasard : elles répondent aux exigences esthétiques de chaque genre musical, mais traduisent aussi les préférences individuelles, la disponibilité locale des matériaux et parfois une volonté de se démarquer. Le reco-reco se révèle un instrument caméléon, capable d’adapter sa voix à toutes les humeurs et tous les contextes.

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Influence et rayonnement international du reco-reco #

Au fil des décennies, le reco-reco a su dépasser les frontières du Brésil. Il s’invite aujourd’hui dans des projets musicaux internationaux et noue des alliances inattendues avec le jazz, la world music ou la musique latine contemporaine, affirmant ainsi la vitalité de son identité sonore.

  • Le trio Medeski, Martin & Wood (USA) a intégré le reco-reco lors de leurs tournées en Amérique du Sud, pour enrichir la texture percussive de leurs improvisations.
  • En 2017, la compagnie française Batucada Sound Machine a popularisé l’usage du reco-reco métallique dans des créations fusionnant samba, funk et rythmes électroniques.
  • La chanteuse colombienne Totó la Momposina emploie des instruments apparentés au reco-reco dans ses arrangements de cumbia et de bullerengue, illustrant la transversalité de sa famille instrumentale.

Selon nous, le reco-reco séduit au-delà de sa patrie d’origine pour deux raisons majeures : sa capacité d’adaptation à toutes les formations et sa faculté à dialoguer avec des percussions venues d’autres continents. Il participe ainsi à la création de nouveaux langages musicaux, sans jamais perdre son accent brésilien. Ce métissage permanent nourrit l’avenir de l’instrument, preuve tangible de la puissance de la tradition réinventée.

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